L’insurrection de Laâyoune : notre position

French translation of Western Sahara: The uprising in El Aayiún – our position (November 22, 2010)

Chronologie des événements

Le mouvement de protestation a été lancé le 10 novembre 2010, après l’annonce d’un groupe de familles et de jeunes sahraouis de la mise en place d'un camp dans une zone, appelé ‘Okdim Isik’, à environ 12 km en dehors de la ville de Laâyoune. Le nombre de tentes au début ne dépassait 30. Les autorités n’ont pas donné grande importance à ce rassemblement. Ces personnes ont été rejointes en quelques jours, par des familles entières et par des milliers de manifestants, portant le nombre à des milliers de tentes - plus de 6000 tentes - comprenant environ 7000 familles, et près de 20000 manifestants. La plupart d'entre elles composées majoritairement d’anciens pensionnaires des bidonvilles Al Wahda.

Ces hommes et ces femmes, qui ont souffert de négligence pendant de nombreuses années, se sont levés pour se battre pour leurs revendications légitimes, sous le joug de la répression de chaque mouvement de protestation par les casernes militaires encerclant la ville et un mur de silence médiatique par les médias officiels et même «indépendants».

Un militant de gauche a déclaré au magazine marocain Tel Quel, que « la colère gronde depuis plusieurs mois » et que « les meneurs ont d’abord essayé de sensibiliser les responsables de la ville et frappé à plusieurs portes En vain. Personne n’a voulu les écouter ». Et selon le journal espagnol El Pais un des manifestants a dit: "Nous continuerons notre lutte jusqu'à ce que nous atteignions nos revendications légitimes à vivre dans la dignité dans notre pays."

Ce qui est très impressionnant est le haut niveau d'organisation exprimé par les manifestants qui ont formé un comité qui supervise la direction du camp, qui se compose de neuf personnes, huit hommes et une femme, tous ont moins de quarante ans, dont la plupart sont des chômeurs. Les manifestants ont été en mesure d'organiser le camp: une commission pour ramasser les ordures, une autre pour la garde du camp et une Commission pour la distribution de l'eau, la nourriture et remonter le moral, ainsi qu’ une Commission pour fournir des services de santé, etc.

La réaction de l'Etat marocain

Au début, le régime marocain a essayé, à l'aide des chefs des tribus, de démanteler le camp par des promesses. Après la propagation du mouvement et la tentation d'établir des camps similaires à l'est de Smara, Tarfaya, Boujdour etc. – le régime a ouvert des voies de dialogue après que la situation est devenue critique. Car les questions graves soulevées par ces actions le sont aussi bien au Maroc que dans le reste du Sahara occidental. Le ministre marocain de l'Intérieur a personnellement supervisé ces dialogues. L’Etat marocain a fait une série de promesses aux manifestants, comme la distribution de 600 parcelles de terrain à certaines des veuves etc., et promis de résoudre tous les problèmes des manifestants à condition que le camp soit démantelé. En même temps il a lancé une grande campagne de propagande dans les médias bourgeois.

Mais tout cela était en vain. Les manifestants ont refusé la politique de division menée par les autorités et ont insisté sur la résolution de tous les problèmes avant de démonter le camp. Cette résistance a obligé le régime marocain à mobiliser des milliers de troupes des Forces Auxiliaires et la police pour assiéger le camp. Ceux-ci ont provoqué les manifestants et les ont terrorisé par des vols d’hélicoptères en permanence sur le camp et en encerclant le camp par de grands obstacles de sable. La mise en place de postes de contrôle à la périphérie du camp avait comme objectif d'empêcher que les Sahraouis et les visites de solidarité arrivent au camp et couper les approvisionnements vers les manifestants. Le journal espagnol El Pais écrit : «Ce blocus a conduit à un manque de nourriture et d'eau potable et la propagation des maladies."

Après la faillite de ces manœuvres, la seule option pour le régime Marocain était la répression brutale. Le camp a duré dix jours et se renforçait chaque heure. C’est dans ce contexte que le discours de M6 (le Roi) a été prononcé, le 6 novembre 2010. Son message était clair: «Il n’y aura pas de tolérance avec les ennemis de l'intégrité territoriale, soit à l'intérieur ou l'extérieur de la nation". Ce message constituait un feu vert de l'autorité suprême du pays et le commandant des forces armées, à utiliser toutes les méthodes pour démanteler le camp.

C'est ce qui s'est passé, après la diffusion des médias officiels des informations que les Sahraouis ont démonté le sit-in et qu’il ne restait plus qu'une petite bande de ceux qui travaillent pour le "Polisario" et l'Algérie. Vers six heures du matin le 08/11/2010, des milliers d'éléments des forces de répression armées ont attaqué les manifestants. Des témoins ont dit que l'intervention dans "Akdim Isik," a été effectuée par des escouades mixtes d'infanterie, sous le couvert des lanceurs d'eau et l'utilisation de grenades fumigènes et des balles en caoutchouc. Face à cette intervention les jeunes de camp se défendaient avec tous les moyens à leur disposition : les pierres et les couteaux.

La ‘rue’ de Laâyoune s’est aussi levée pour défendre les manifestants. La ville a connu une désobéissance civile pendant deux jours du 7 au 8 novembre. Alors, pour la première fois depuis le début de la protestation, les sahariens ont levé les drapeaux de la République saharienne. Pendant l’affrontement des cocktails Molotov et de bouteilles de gaz ont été utilisés par les manifestants. Les forces de répression par contre ont utilisé des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes. Les jeunes ont organisé des barricades sur toutes les routes et brûlé des pneus pour bloquer les routes face aux forces de sécurité. Ils ont attaqué aussi un grand nombre de banques et de magasins et les sièges des institutions gouvernementales. Le canal régional de télévision de Laâyoune a été incendié, le drapeau marocain enlevé de la façade du bâtiment et ils ont hissé le drapeau sahraoui. Les forces de répression marocaines ont diffusé des appels à un couvre-feu pendant la nuit dans différentes parties de Laâyoune. Les principaux points d'affrontement étaient la rue Smara - une rue principale de la ville - ainsi que d'autres rues, Kaskikima, Ras Al Khaimah, Matar, Tan Tan, et l’Amal.

Ces affrontements ont causé plusieurs morts et blessés des deux côtés, mais il est difficile de déterminer le vrai bilan en raison des informations contradictoires. Alors que L'Agence Maghreb Arabe Presse a annoncé que le nombre de morts est 12, dont 10 des forces publiques, les médias du Front Polisario par contre confirment que le nombre est 11 citoyens sahraouis et 723 autres blessés et aussi 159 disparus.

Le président de la section de Laâyoune de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), Hammoudi Lekiled, a souligné la difficulté de déterminer l'existence de cas de décès supplémentaires. Par contre, il a affirmé l'existence des "campagnes d'arrestations arbitraires et extensives » dans de nombreuses rues de la ville de Laâyoune. Il est également difficile de déterminer le vrai nombre des détenus. Selon la déclaration du ministre marocain de l'Intérieur, " 77 personnes ont été déférées dans une première phase devant la justice ». « Six d’entre eux seraient présentés devant le Tribunal Militaire, 64 attendent encore la conclusion de l’enquête judiciaire et sept ont été libérés ». Il a souligné que 13 membres avaient des antécédents judiciaires. Dans une deuxième phase 36 autres seront présentés devant la cour. Ce qui fait un total de 113 personnes détenues officiellement par le régime marocain.

Solidarité

Ce mouvement de protestation et la répression qui a suivi, a créé un grand mouvement de solidarité à l’intérieur et à l’extérieur. Certains travailleurs de la mine de phosphate de Boukraa, ont exprimé mercredi leur solidarité avec les manifestants. Lors de leurs réunions, des slogans tels que: ‘les richesses du Sahara pour les sahraouis’ ont été chantés selon certains médias internationaux. Certains jeunes ont formé jeudi un comité à Sidi Ifni pour la solidarité avec les manifestants.

Dans d’autres villes sahariennes comme Samara, Dakhla, des tentatives de protestation ont échoué en raison de l’intervention des forces de répression. Il y a eu aussi une série de manifestation dans plusieurs villes espagnoles.

La position des partis et de la presse marocaine

Dans la foulée de ces événements le journal de l'Union socialiste des Forces Populaires a publié un article intitulé: " Les médias algériens : partialité absolue et falsification des événements". Son contenu peut être déduit de son titre. Le Bureau politique du Parti du ‘Progrès et du Socialisme’ (ancien Parti Communiste) a déclaré: «il faut réagir sévèrement à tous les actes, internes et externes, qui interviennent à un moment suspect, visant à nuire à l'unité et la stabilité du pays, par l’exploitation des griefs sociaux par des personnes séparatistes qui sèment le chaos et menacent l'ordre public. "

L’Union nationale de la presse marocaine a également condamné ce qu’il a appelé « les actes de destruction locale de la chaîne régionale de Laâyoune par des hommes armés d'épées et de couteaux ». Et selon un communiqué publié par le syndicat, ce dernier condamne fermement ce qui s'est passé et il l’a considéré comme un acte criminel qui ne peut être toléré. Mais il a préféré bien sûr garder le silence sur les actes commis par les autorités marocaines.

L'hypocrisie de l'impérialisme et du régime algérien

Face à cette situation, la position de l'impérialisme, y compris espagnol, était de regarder « sans rien faire ». La ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jiménez, a déclaré, lundi dernier : « Il est prématuré de prendre une position officielle sur ‘les événements de Laâyoune’, en raison des informations contradictoires entre les différentes parties au conflit et elle a souligné la nécessité du retour au calme et appeler à se concentrer sur les négociations informelles commencées à New York et qui, dit-elle, vont apporter le calme dans la région. "

À son tour, le Secrétaire général des affaires de la gestion au sein du PSOE, au cours de la même réunion, a souligné qu'il est prématuré de prendre une position définitive et officielle sur les des événements de Laâyoune avant de connaître toute la vérité et la fin du processus de démantèlement du camp Akdim Iziq.

Le régime algérien a trouvé dans ces événements une occasion d'exprimer la «solidarité» avec les luttes du peuple sahraoui et de "dénoncer" la répression, etc. Une manœuvre hypocrite visant à gagner une certaine légitimité parmi les masses algériennes très solidaires avec la cause du peuple Sahraoui et faire un peu de pression sur le régime marocain. En même temps Alger maintient sa répression des masses algériennes en leur imposant la famine et l'oppression.

L'Organisation des Nations Unies s’est contentée, comme c'est typique, de demander aux deux parties, selon les mots du porte-parole officiel du Secrétaire Général, de faire preuve de retenue et a pudiquement souligné que " l’intervention du Maroc dans la camp de protestation Sahraoui" pourrait gâcher les pourparlers entre les deux parties.

Il est utile de mentionner la participation d'un certain nombre des journaux et médias espagnols dans la désinformation des faits et la publication des données et des images fausses sur les événements.

Notre position

Premièrement nous ne pouvons qu'exprimer notre solidarité absolue avec les demandes des manifestants sahraouis au droit au travail et un logement décent et adéquat tout comme notre défense par principe du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Nous soulignons une nouvelle fois qu’en faisant cela nous ne nous plaçons pas dans le cadre de la coopération avec «l'ennemi extérieur», ni ne voulons la division de « notre patrie » en des entités plus petites. Nous rejetons aussi toutes les autres calomnies avec lesquelles nos ennemis nous attaquent. Mais nous défendons un droit fondamental des peuples, à savoir le droit à l'autodétermination démocratique, le droit de choisir librement l'unité ou la séparation.

Nous devons être clairs dans ce contexte que nous nous battons pour une fédération socialiste et internationaliste, qui va abolir les frontières entre les peuples du monde, mais en même temps, nous nous opposons à l'unité forcée, à l'union obligatoire entre le maître et l'esclave, l'unité qui rassemble la nation de l’oppresseur avec la nation opprimée par la force et le fer et le feu1.

Le déclenchement des récents événements sur la base de revendications comme le logement, l'emploi, etc., renforce notre position, nous les marxistes, sur la nécessité et la possibilité d'unifier les luttes des peuples du Sahara et du Maroc et le reste des peuples de la région du Maghreb sur une ligne de classe. Loin d’une vision nationaliste étroite et pour la destruction du capitalisme et de la dépendance à l’impérialisme. C’est une preuve frappante de la faillite de la tactique du terrorisme individuel et de la guérilla de séparation nationaliste sur la base de laquelle s’est construit le Front Polisario. C’est aussi le début d'une nouvelle phase dans la lutte.

La répression brutale contre le camp est aussi la preuve de l’intérêt qu’a le peuple sahraoui à contribuer à la lutte de la classe ouvrière du Maroc pour la destruction du régime dictatorial au Maroc.

La grave détérioration de la bataille des manifestants et l'infiltration d'éléments criminels qui se livrent à des actes de vandalisme et ont eu recours à l’assassinat ou d'uriner sur les corps et la dégradation ? des morts etc., souligne la nécessité d'organiser le mouvement avec des comités de lutte élus sous le contrôle des masses. Bien sûr, nous ne confondons pas la violence de l'agresseur - l'Etat marocain - et la violence de l’agressé- le peuple sahraoui – nous ne mettons pas sur un pied d’égalité la violence du bourreau et de sa victime. Mais nous rejetons les méthodes et les programmes du terrorisme individuel qui remplacent la lutte révolutionnaire des masses. Ceci n’est pas un point de vue pacifiste. Nous considérons que ces méthodes sont contreproductives et ne sont pas valides dans la lutte pour le socialisme et elles discréditent la lutte révolutionnaire et de libération. Ces méthodes ne servent que les forces des réactionnaires des deux côtés.

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Translation: La Riposte (France)