Des données récemment publiées par l’Office National de Statistiques britannique ont révélé que les Londoniens vivant dans les quartiers les plus riches de la ville jouissent en moyenne de 18 ans de vie en bonne santé en plus que ceux vivant dans les quartiers les plus pauvres.
Selon les mêmes chiffres, les femmes qui vivent dans le quartier de Richmond [1] peuvent s’attendre à vivre 72 années en bonne santé, contre seulement 54 ans pour les femmes du quartier de Tower Hamlets, un des quartiers les plus pauvres de la ville. Les hommes de Richmond ont eux une espérance de vie de 81,5 ans, dont 70,3 en bonne santé – contre 77,2 ans d’espérance de vie, dont 56.5 ans en bonne santé, pour les hommes de Tower Hamlets. Les données fournissent également un aperçu national de ces disparités : les femmes vivant dans le sud-est du pays bénéficient en moyenne de 67 années de vie en bonne santé, contre 60,2 pour les femmes vivant dans le nord-est.
Réagissant à la publication de ces statistiques, le Dr Andy Mitchel, directeur médical de la NHS [la Sécurité Sociale britannique] de la région de Londres, disait : « il nous faut repenser la façon dont les soins primaires sont délivrés et comment nous transformons le système hospitalier dans son ensemble ». Mais pendant que les chefs du système de santé publique pensent à repenser, la NHS se voit infliger une coupe budgétaire de 20 milliards de livres (23,7 milliards d’euros) d’ici 2015. Or si la NHS ne peut empêcher, dans les conditions actuelles, cet écart de 18 années entre les espérances de vie des riches et des pauvres, comment diable pourrait-elle y remédier après une saignée budgétaire aussi grave ? Appeler simplement à « repenser » le système semble plus qu’insuffisant.
Par ailleurs, le système de santé défaillant n’est pas seul en cause, dans les disparités d’espérances de vie en bonne santé. Un bon régime alimentaire, par exemple, est essentiel pour une bonne santé. Or, pas moins de trois nouvelles « banques alimentaires » ouvrent chaque semaine en Grande-Bretagne. Il est clair que de plus en plus de gens ont du mal à acheter de la nourriture, sans parler de consommer des produits de qualité. Par ailleurs, avec l’arrivée de l’automne, les températures commencent à chuter. Or cette année, selon le London Evening Standard, un nombre record de personnes ont déclaré qu’elles prévoient de tenir au moins jusqu’à début novembre avant d’allumer leurs radiateurs. Les coûts exorbitants de l’énergie poussent les gens à souffrir du froid plus longtemps, au détriment de leur santé.
D’autre part, une étude récente de l’université de Californie a conclu que vivre avec moins de stress améliorait la protection de notre ADN, nous aidant à rester en bonne santé plus longtemps. Mais pour les gens qui travaillent, une vie sans stress est un rêve irréalisable. Les travailleurs britanniques ont subi une baisse de leurs revenus réels de 5.5 % depuis 2010. Les échéances pour le paiement des factures et la lutte constante pour maintenir un niveau de vie décent laissent forcément des marques sur la santé des travailleurs du pays.
Sur la base du capitalisme, on ne pourra pas régler les problèmes du manque de moyen dans le secteur public de la santé, de la demande croissante auprès des banques alimentaires, de la montée en flèche des prix de l’énergie, de la baisse des revenus et du stress croissant. Pour résoudre ces problèmes, il est nécessaire de revenir sur la privatisation de la NHS, d’intégrer au secteur public la grande distribution et les fournisseurs d’énergie, mais aussi de nationaliser les banques et d’autres géants économiques, afin que leurs ressources soient utilisées au profit de services publics tels que la NHS.
Les supermarchés, les services publics et les banques sont des institutions sociales dans le sens où tout le monde en a besoin. Si c’est à la fois nous – les travailleurs – qui en avons besoin et qui les faisons tourner, pourquoi ne le possèderions-nous pas, également ? Dans le cadre d’un plan de production rationnel et démocratique, ces institutions pourraient fonctionner dans l’intérêt des gens qui en ont besoin, et non plus de quelques profiteurs richissimes.
Si nous plaçons nos espoirs dans rien de plus que leur volonté de « repenser » le système de santé, nous serons condamnés à voir se creuser encore et encore les écarts d’espérance de vie en bonne santé. Sans une rupture avec le capitalisme, les riches deviendront plus riches pendant que les pauvres deviendront plus pauvres – et vivront moins longtemps. Un plan de production socialiste est la seule issue hors de cette spirale infernale.
Remarque du traducteur : Si je n’ai n’a pas trouvé d’étude similaire pour la ville de Paris, les même causes produisent les mêmes effets, et la tendance décrite dans cet article sur la Grande-Bretagne et Londres peut sans doute être transposée en France et en région parisienne. Il suffit de changer « NHS » par « Sécurité Sociale », « Richmond » par « Neuilly-sur-Seine » et « Tower Hamlets » par « Creil ».
[1] Selon le site officiel http://www.visitrichmond.co.uk, Richmond upon Thames « est le quartier le plus attrayant de Londres et, depuis des centaines d’années, la retraite favorite des membres de la famille royale et des personnes riches et célèbres. » (Ndt)
Translation: 18 ans de vie en bonne santé : le prix des inégalités à Londres