A l’heure où nous écrivons ces lignes, le bombardement de la bande de Gaza par l’armée israélienne s’intensifie. Des milliers de bombes sont larguées par l’Etat le plus puissant du Moyen-Orient sur l’une des zones urbaines les plus peuplées et les plus pauvres du monde. Dans le même temps, en Israël, des fascistes et groupes sionistes d’extrême droite, agissant avec la complicité ou le soutien direct des forces israéliennes, s’attaquent à des quartiers palestiniens, détruisent des maisons, des propriétés et des boutiques, lynchent et tuent des Palestiniens innocents, dans une vague d’actes de violence raciste qu’on ne peut qualifier autrement que comme des pogroms.
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Les habitants de Gaza ne peuvent fuir et manquent de tout : électricité, eau potable, fournitures médicales de base, et même nourriture. C’est la conséquence d’un blocus qui a déjà fait plusieurs centaines de victimes au cours des derniers mois.
Face aux souffrances quotidiennes des Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et même d’Israël, il n’y a pas la moindre trace d’indignation – sans parler de mesures concrètes – dans les déclarations des puissances impérialistes occidentales, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou des pays européens. Quant à l’hypocrisie des valets des impérialistes, à la tête des régimes réactionnaires de Riyad, de Dubaï, d’Amman et du Caire, elle est évidente.
L’enfer de décennies de « paix » impérialiste se double d’une campagne de bombardements dont l’objectif est de briser la résistance du peuple palestinien. Pour atteindre son objectif réactionnaire d’épuration ethnique du territoire, qu’elle considère comme le sien, la classe dirigeante israélienne utilise la « paix » comme la guerre. Sa devise est : « ce qu’on a, on le garde ». Elle veut débarrasser « Eretz Israël » (la « Terre d’Israël ») de la présence gênante du peuple palestinien. Ce projet d’épuration ethnique et de discrimination institutionnalisée est inscrit dans le titre même de la loi raciste « Etat-nation juif », approuvée en été 2018 par Netanyahou, avec la bénédiction de Donald Trump.
Comme toujours, la vérité est la première victime de la guerre. La majorité des médias internationaux, qui sont sous contrôle des capitalistes, récitent leurs vieilles litanies : ils demandent « la fin des violences des deux côtés » et reconnaissent à Israël le « droit de se défendre », comme si les « deux côtés » étaient comparables. Prétendre à la neutralité dans une telle situation équivaut à se ranger du côté de l’oppresseur, contre l’opprimé.
Ils parlent de guerre, mais il n’y a pas de « guerre ». Il y a la tentative unilatérale, de la part d’Israël, de réduire à néant l’aspiration légitime du peuple palestinien à une patrie et à des droits. Chaque tentative de jeunes et des travailleurs palestiniens de résister à l’oppression est réprimée dans le sang : telle est la réalité de la « paix » impérialiste.
C’est apparu clairement, ces dernières semaines, lors de la répression, par Israël, du mouvement de masse contre les expulsions dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est. S’en est suivi une attaque brutale, par les forces de l’Etat israélien, contre des fidèles pacifiques auxquels on avait auparavant interdit l’accès à l’esplanade des mosquées de Jérusalem – l’un des plus importants centres religieux musulmans – à la toute fin du Ramadan.
Cette provocation cherchait à provoquer un conflit avec le Hamas. De la part de Netanyahou, c’était une décision délibérée, une tentative désespérée de redorer son image d’homme fort d’Israël et, ainsi, d’empêcher la formation d’un gouvernement de coalition dont il serait exclu. Ce n’est pas la première fois que Netanyahou joue la carte de la haine des Palestiniens pour rallier le soutien de la classe dirigeante israélienne, de l’Etat, et pour forcer la masse de la population juive à soutenir les mesures les plus réactionnaires de son gouvernement, au nom de la « sécurité ».
Les chiffres provisoires parlent d’eux-mêmes : 119 Palestiniens ont été tués par des bombes israéliennes, dont 31 enfants et 19 femmes. L’armée israélienne prétend ne viser que des « cibles militaires », ce qui est une énorme hypocrisie. En réalité, dans cette soi-disant « guerre », le rapport de forces est complètement déséquilibré.
Sept Israéliens ont également été tués – parmi lesquels deux Palestiniens qui n’avaient aucun refuge dans leurs quartiers – en conséquence des centaines de roquettes tirées par le Hamas contre Israël. Du point de vue de la lutte du peuple palestinien, ces tirs de roquettes sont totalement contre-productifs. Leur seul effet est de renforcer la position de Netanyahou en poussant les travailleurs israéliens dans les bras de l’Etat.
Comme marxistes internationalistes, nous ne sommes pas neutres et ne prétendons pas nous tenir au-dessus d’un tel conflit : nous défendons le droit du peuple palestinien à une patrie, son droit de résister à l’oppression et à défendre ses moyens de subsistance par tous les moyens nécessaires. La violence des opprimés ne peut jamais être mise sur un pied d’égalité avec celle des oppresseurs.
Un contexte nouveau
Fait hautement significatif, les récentes manifestations ont surtout mobilisé des Palestiniens de l’intérieur du territoire Israélien, et ce dans des proportions inédites. Ce sont donc des citoyens israéliens (de seconde classe) qui participent à ce mouvement. Il est mené par une nouvelle génération de militants, qui rejettent les stratégies erronées de la soi-disant direction du peuple palestinien, qu’il s’agisse du Fatah ou du Hamas.
Le contexte de ces événements est également nouveau. Ces dernières années, à travers le monde, un nombre croissant de jeunes et de travailleurs – y compris des jeunes et des travailleurs juifs – sont passés par l’école de la répression étatique des mouvements de masse. Grâce à cette expérience, ils voient plus clair à travers le rideau de mensonges des grands médias. Le mouvement de résistance du peuple palestinien a montré à des millions de personnes, à travers le monde, quelle était la nature du système d’oppression mis en place par l’Etat d’Israël pour étouffer les aspirations légitimes du peuple palestinien. Ces événements résonnent avec l’humeur révolutionnaire qui se développe aux quatre coins du monde.
Des manifestations de masse contre le bombardement de Gaza et les pogroms anti-palestiniens s’organisent dans le monde entier. A l’heure où nous écrivons ces lignes, des milliers de Palestiniens tentent d’entrer en Israël, par la frontière jordanienne, pour rejoindre leurs frères et sœurs de Palestine, exposant au passage l’hypocrisie des régimes arabes et de leur « soutien » à la cause palestinienne.
Il est du devoir du mouvement ouvrier international de soutenir la résistance des masses palestiniennes. Il faut dénoncer les mensonges des impérialistes et les intérêts qu’ils défendent. Les appels hypocrites à la « paix » ou aux « négociations », lancés par les Nations Unies ou telle puissance impérialiste, ne feront jamais avancer les droits des Palestiniens. Il ne pourra pas y avoir de paix, ou de fin au cauchemar actuel, tant que le capitalisme et l’impérialisme domineront la planète. Il n’y aura aucune solution pérenne aux souffrances du peuple palestinien tant que le capitalisme ne sera pas renversé dans les grandes puissances impérialistes à travers le monde.
Ce mouvement fait partie intégrante de mobilisation révolutionnaire internationale contre le capitalisme. Le pari de Netanyahou pourrait s’avérer perdant face aux mobilisations en Israël et à l’échelle internationale. Effrayées par le mouvement de masse qui se développe chez les Palestiniens en Israël, l’armée et la classe dirigeante du pays sont divisées entre l’option de poursuivre leur assaut contre Gaza – ou celle de l’interrompre en prétendant avoir atteint leurs objectifs. Dans le même temps, ils menacent d’envoyer l’armée dans Gaza, comme ils l’ont fait en 2014. A l’époque, 2300 Palestiniens ont été tués. S’ils le tentent de nouveau, les massacres vont s’intensifier et susciteront des protestations encore plus grandes.
Le fruit empoisonné de la « paix » impérialiste
Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, en Israël et en Palestine, n’est rien d’autre que le fruit empoisonné de la « paix » impérialiste. La population palestinienne est progressivement expropriée et asphyxiée par la main mise croissante d’un système conçu pour la marginaliser. Dans ce processus, Netanyahou s’est appuyé sur l’extrême-droite sioniste, y compris ses franges fascistes, en ralliant le soutien des colons juifs. En leur faisant des concessions, il a lié son avenir politique à leur cause – et les a encouragés à intensifier leurs actions.
Israël est bloqué dans une crise institutionnelle : trois élections consécutives n’ont pas permis d’obtenir une majorité claire. Jusqu’à présent, Netanyahou a réussi manœuvrer et à échapper à son inculpation dans des scandales de corruption. Cependant, il est aux abois. Son ennemi juré, le général Benny Gantz, a perdu toute la crédibilité acquise dans sa polémique anticorruption contre Netanyahou lorsqu’il a décidé d’entrer dans un gouvernement de coalition avec lui. Désormais, Gantz tente d’apparaître encore plus radicalement anti-palestinien que son rival, mettant en avant son passé d’ancien commandant en chef du massacre de Gaza en 2014. Pour sortir de l’impasse politique, il y a bien eu la tentative de constituer un nouveau gouvernement avec Yaïr Lapid – sans Netanyahou –, mais cette option a été abandonnée.
L’Etat israélien est puissant, mais il y a des indications claires qu’une crise se prépare en son sein.
L’héritage de Donald Trump
L’impérialisme américain a toujours soutenu Israël, en dernière analyse. En témoignent les subventions exorbitantes accordées par les Etats-Unis, sans lesquelles la classe dirigeante israélienne aurait eu du mal à consolider sa suprématie économique et militaire dans la région. Le général Alexander Haig, secrétaire d’Etat américain, a décrit Israël comme « le plus grand de tous les porte-avions insubmersibles américains ».
Cependant, le pouvoir des Etats-Unis dans la région s’est aussi basé, pendant des décennies, sur sa prétendue « impartialité » dans la question palestinienne. L’impérialisme américain a réussi à enfermer la lutte pour la libération nationale de la Palestine en poussant les dirigeants palestiniens à signer de nombreux accords de « paix », avec le soutien d’une large coalition d’alliés dans la région (les régimes arabes réactionnaires de Jordanie, d’Egypte, d’Arabie saoudite, les Etats du Golfe, etc.). Cette stratégie a conduit aux accords d’Oslo et de Madrid, en 1993, et à la formation de l’Autorité palestinienne, ce que les marxistes caractérisaient déjà, à l’époque, comme un piège mortel pour les aspirations nationales des masses de Palestine.
Le dernier président des Etats-Unis a renoncé à cette prétention en reconnaissant Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israël et en approuvant la loi raciste sur l’Etat national juif. Il a jeté au feu 70 ans de politique étrangère américaine dans la région, et a jeté par-dessus bord l’idée d’une solution à « deux Etats » de la question palestinienne. Ce processus a culminé avec le grotesque « accord du siècle » de Trump, et les prétendus accords d’Abraham.
Ainsi, un message clair a été envoyé aux Palestiniens : « Si vous voulez vous défendre, vous ne pouvez compter que sur vos propres forces ». Ce message a été reçu et compris : il forme la base de la résistance actuelle et de l’intensification de la lutte face aux provocations de ces derniers mois. C’est aussi la base sur laquelle on doit bâtir un mouvement révolutionnaire international de la jeunesse et des travailleurs contre l’impérialisme, le capitalisme et l’oppression.
Aucune confiance dans les plans de « paix » impérialistes. Pour le droit des Palestiniens à une vraie patrie !
La Tendance Marxiste Internationale apporte son entière solidarité au peuple palestinien, qui subit une nouvelle offensive barbare des forces armées israéliennes. Nous rejetons toutes les excuses du gouvernement Netanyahou pour tenter de justifier les morts et les destructions que son action provoque.
Le peuple palestinien a le droit à sa propre patrie. Tant que ce ne sera pas le cas, le conflit continuera. Cependant, la classe dirigeante israélienne ne permettra jamais que les Palestiniens s’émancipent. Aussi doit-elle être renversée. Et pour cela, la société israélienne doit se fracturer suivant des lignes de classe.
La société israélienne est l’une des plus inégalitaires au monde. La même classe dirigeante qui opprime les Palestiniens attaque aussi le niveau de vie des travailleurs et de la jeunesse de son propre pays. L’an dernier, on a vu un mouvement de protestation massif contre Netanyahou. La mobilisation révolutionnaire des masses palestiniennes doit être soutenue par le mouvement anti-impérialiste et anticapitaliste de la classe ouvrière du monde entier.
Les travailleurs et les jeunes palestiniens ont le droit de se défendre et de protéger leurs quartiers face aux attaques des foules fascistes de colons sionistes que protègent les dirigeants israéliens. A Hatifa et dans d’autres villes, des comités d’autodéfense civique ou populaire se sont constitués.
Chaque avancée dans le développement de la lutte des travailleurs palestiniens et juifs contre l’Etat sioniste doit être encouragée et soutenue. Seule cette voie permettra de mettre fin au régime de sa classe dominante et d’établir un Etat garantissant des droits égaux aux Juifs et aux Palestiniens.
Cependant, ce ne sera possible que dans un Etat contrôlé par les travailleurs ordinaires des deux peuples, un Etat socialiste sans aucune élite privilégiée au pouvoir.
Mobilisons la classe ouvrière internationale contre le bombardement de Gaza !
Soutenons la résistance palestinienne !
Intifada jusqu’à la victoire !
L’occupation doit cesser !
Pour le droit des peuples palestinien et juif à leur patrie au sein d’une fédération socialiste du Moyen-Orient !