Après 7 semaines d’attente et une succession de « consultations », l’Elysée a annoncé hier la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Ce vieux politicien gaulliste, réactionnaire patenté et partisan déclaré d’un « moratoire sur l’immigration », a donc reçu la mission désespérée de former un gouvernement qui puisse tenir jusqu’à ce que de nouvelles élections législatives puissent être convoquées.
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Un gouvernement soumis au bon vouloir du RN
La bourgeoisie française a besoin d’un gouvernement qui pourra faire peser le poids de la crise sur les épaules de la classe ouvrière. En l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, Michel Barnier va devoir tenter de gouverner en négociant au coup par coup le soutien ou l’abstention du RN, comme l’avaient déjà fait Borne et Darmanin lors du vote de la « loi immigration », l’an dernier. De fait, le sort du gouvernement Barnier est entre les mains du RN.
Ainsi, le soi-disant « front républicain contre le RN », proclamé par le NFP entre les deux tours des élections législatives, a abouti à ce résultat que Macron confie Matignon à un membre des Républicains, un parti qui a refusé de participer à ce même « front », et dont le gouvernement dépendra in fine du bon vouloir de Marine Le Pen.
Le RN a d’ailleurs soufflé le chaud et le froid à propos de la nomination de Barnier. Jeudi matin, le président délégué du groupe parlementaire RN, Jean-Philippe Tanguy, qualifiait le désormais Premier ministre de « fossile » sorti de « Jurassic Park ». Cependant, l’après-midi du même jour, Marine Le Pen annonçait que son parti ne censurerait pas automatiquement un gouvernement Barnier, mais attendrait le discours de politique générale pour décider de son attitude. A travers ce chantage à la censure, le RN entend dicter sa politique au nouveau gouvernement.
Pour autant, tout n’est pas aussi simple. Si le RN veut un jour accéder au pouvoir, il doit continuer sa démagogie sociale. Il y a à peine quelques jours, le député RN Sébastien Chenu affirmait par exemple : « Nous proposerons l’abrogation de la réforme des retraites le 31 octobre ». Difficile de conjuguer ce projet avec le soutien à un gouvernement dirigé par Michel Barnier, partisan résolu de la dernière réforme des retraites. De manière générale, le gouvernement va avoir pour tâche essentielle de mettre en œuvre des mesures d’austérité auquel le RN ne pourra pas s’associer trop ouvertement. Il est donc probable que le RN finira par censurer le prochain gouvernement – quand il estimera que le moment lui est le plus favorable.
Crise de régime
Quelle que soit l’espérance de vie du gouvernement Barnier, il ne fera que marquer une nouvelle étape de la crise de régime du capitalisme français. Aux yeux des masses, l’autorité et la légitimité des institutions démocratiques de la classe dirigeante ont été lourdement affaiblies par le feuilleton parlementaire de cet été. Pendant plusieurs semaines, un Président presque unanimement détesté a fait mine d’ignorer le résultat d’une élection, avant de confier le gouvernement au représentant d’un parti qui n’a reçu les suffrages que de deux millions d’électeurs sur les trente millions qui ont participé au premier tour, c’est-à-dire à peine 6,5 % des voix.
Pour nombre de travailleurs et de jeunes, cet épisode est une leçon sur la réalité de la démocratie bourgeoise, qui est truquée en faveur de la classe dirigeante. Le 30 août dernier, un lecteur anonyme interrogé par le journal Le Monde résumait cela à sa façon : « La réforme des retraites a montré que ni les manifestations, ni les pétitions, ni la mobilisation des syndicats, d’une grande majorité des associations, ni l’opinion de la majorité des citoyens et même de la majorité des députés n’ont d’importance aux yeux du pouvoir. Et cette séquence montre que même le vote ne représente rien s’il va à l’encontre de ce qu’ils ont décidé. Il semble que la seule fois où Macron a vraiment reculé, c’est quand le mouvement des gilets jaunes est devenu violent. Macron critique constamment “les extrêmes”, mais il alimente l’idée que si on n’est pas violent dans cette société, notre voix ne compte pas. »
Mobilisation !
Alors que l’Assemblée nationale est dominée au deux tiers par des partis bourgeois, la seule solution pour défendre les conditions de vie des travailleurs et de la jeunesse se trouve dans une mobilisation extra-parlementaire. Le régime est affaibli ; le mouvement ouvrier doit en profiter et passer à l’offensive.
L’appel de la Fédération CGT de la Chimie (FNIC) à une grève « radicale » et planifiée « sur la durée » va dans la bonne direction, de même que celui de la France insoumise à des manifestations contre Macron, demain. Ces premiers pas doivent être suivis d’autres. Le seul moyen de faire reculer Barnier, Macron et Le Pen est de mobiliser les travailleurs du plus grand nombre possible de secteurs de l’économie dans une grève massive et coordonnée, qui se donne pour objectif d’en finir avec l’austérité et le capitalisme.
Alors que la classe ouvrière produit toutes les richesses de la société, la politique du pays se règle par des arrangements entre politiciens bourgeois, qui sont tous d’accord sur la nécessité d’écraser encore et encore les travailleurs et les jeunes, pour défendre les profits d’une petite minorité d’exploiteurs. Pour renverser ce système à l’agonie, il faut une direction capable de défendre un programme et des perspectives révolutionnaires et de se lier à l’avant-garde de la classe ouvrière ; il faut un véritable parti communiste révolutionnaire. C’est précisément ce parti que nous construisons. Rejoignez-nous !