Les mesures annoncées hier par le gouvernement suisse sont insuffisantes. Il est totalement négligent vis-à-vis de la santé et des craintes de la population. Le Conseil Fédéral fait passer les profits des riches avant les vies humaines.
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La crise sanitaire qui entoure l’épidémie de coronavirus est très grave. En 24 heures, 267 nouveaux cas ont été signalés en Suisse (compte vendredi 13 à 13h). Entre-temps, les chiffres de propagation indiquent des progressions similaires ou même plus rapides qu’en Italie. Les calculs selon lesquels jusqu’à 50 % de la population (Angela Merkel a même parlé de 70 %) pourrait être infectée sont maintenant réalistes.
Gouvernement et capitalistes complètement surchargés
À cet égard, les mesures prises jusqu’à présent par les décideurs des gouvernements et des entreprises sont clairement insuffisantes. En dehors d’interventions locales ou cantonales isolées, le Conseil fédéral n’a formulé que des recommandations banales dans les premières semaines cruciales. Se laver les mains et éviter les trains aux heures de pointe (quand faut-il prendre le train sinon ?) – tout est laissé presque exclusivement aux individus. Bien sûr, nous devons tous et toutes faire preuve de prudence dans notre vie quotidienne et dans notre comportement social. Mais dans une épidémie qui pourrait déjà toucher des millions de personnes rien qu’en Suisse, cela est évidemment insuffisant.
Le système de santé suisse n’est pas à la hauteur de la tâche. Même selon des « hypothèses sur-optimistes », il faudrait très bientôt 4000 lits à la fois dans les unités de soins intensifs pour soigner tous les patients gravement malades. Mais même avec une augmentation rapide de 30% des effectifs, seuls 875 lits de soins intensifs et seulement 850 appareils respiratoires vitaux seraient disponibles pour ces 4000 cas de corona !
Dans la situation de crise actuelle, ces carences massives exposent de la manière la plus brutale l’état critique du système de santé suisse. Depuis 1998, près de 10’000 lits d’hôpitaux ont été supprimés en Suisse, alors que la population a augmenté de 1,3 million de personnes. La situation misérable dans le secteur de la santé est particulièrement évidente chez le personnel infirmier : 72% du personnel infirmier souffre régulièrement de plaintes physiques, 70% se sentent constamment stressés au travail et 87% n’ont pas assez de temps pour leurs patients (étude Unia).
Pourquoi ne pouvons-nous pas nous permettre un système de santé décent dans cette Suisse si riche ? Comment se fait-il que même en temps « normal », le personnel soit complètement surchargé et que des vies humaines soient ainsi en danger ? Et pourquoi notre système de santé n’est-il pas du tout préparé à une telle épidémie ? Après tout, le corona est le cinquième virus ultra-contagieux de ces 17 dernières années.
Des profits plutôt que la santé
Dans sa conférence d’urgence de vendredi après-midi, le Conseil fédéral n’a apporté aucune réponse à ces questions pressantes. Une fois de plus, le gouvernement a décidé de ne pas prendre de mesures réellement efficaces pour contenir le virus. La fermeture des écoles ne protégera qu’une petite partie de la population et ne permettra pas de contenir systématiquement la propagation du virus. En outre, les gens, individuellement, devraient continuer à être disciplinés par les interdictions de restos ou discothèques. Des mesures aussi minimales ne permettront certainement pas de lutter contre une épidémie mondiale.
Il n’y a qu’un seul domaine dans lequel le Conseil fédéral semble agir efficacement : la protection débridée du secteur privé. L’économie privée doit continuer à fonctionner le mieux possible sans être dérangée – l’argent doit circuler. Il n’y a pas d’autre explication au fait que les frontaliers venant de la zone d’Italie du nord en quarantaine sont encore obligés de faire la navette tous les jours jusqu’au Tessin, pour ensuite être soumis à un harcèlement supplémentaire aux postes frontaliers. Tous les travailleurs et travailleuses doivent continuer à aller au boulot, à prendre les trains surchargés et à se serrer les coudes dans les bureaux et les halls de production. Aucune mesure n’a été prise pour protéger les travailleurs là où ils passent la majeure partie de leur journée !
Au lieu de cela, le Conseil fédéral a promis aux entreprises dix milliards de francs suisses pour amortir l’impact économique du virus. Pour le dire plus simplement : zéro franc pour le système de santé, dix milliards de francs pour préserver les profits des patrons ! Le coronavirus montre clairement de quel côté se trouvent le gouvernement et l’État. Ce qui a été annoncé hier après-midi n’est que la continuation cohérente de décennies de politique de transfert des coûts des crises sur les salariés. Après les réductions d’impôts pour les riches et les entreprises, les baisses salariales et les mesures d’austérité pour les travailleurs et les jeunes, les salariés sont maintenant censés faire payer le prix de l’épidémie.
Corona : la goutte dans le vase
Ce n’est pas une coïncidence : l’économie suisse, ainsi que l’économie mondiale dans son ensemble, se porte mal. Depuis 2008, le capitalisme traverse la crise la plus profonde de son histoire. Et aucun de ses problèmes majeurs n’a été surmonté. Depuis deux ans maintenant, les signes d’un nouvel effondrement plus profond se multiplient. Le capitalisme suisse a relativement bien résisté, mais des des fissures sont apparus ici aussi. Dans l’industrie MEM, par exemple, les commandes ont diminué de plus de 15% en 2019. Comme l’économie mondiale, le capitalisme suisse est également extrêmement instable. Le coronavirus a été la dernière goutte d’eau qui a fait déborder le vase : jeudi, la bourse suisse a subi sa plus grosse baisse depuis 1988.
En d’autres termes : le capitalisme suisse tremble violemment et a grand besoin de la protection de l’État. C’est pourquoi tous les travailleurs et travailleuses doivent continuer à aller au boulot. C’est pourquoi des milliards sont injectés dans l’économie privée. C’est pourquoi le système de santé reste massivement sous-financé. Mais le gouvernement et les chefs d’entreprise acceptent un prix énorme pour cela : rien de moins que la santé de milliers, voire de millions de personnes salariées.
Pour souligner une fois de plus le caractère de classe de l’effet du corona : Si le virus peut infecter tout le monde, les riches et les puissants sont beaucoup moins susceptibles d’être touchés. D’une part, ils peuvent éviter le public avec des chauffeurs, des billets de première classe ou même des jets privés et des représentations d’opéra privées. D’autre part, ils peuvent être testés et traités de la meilleure manière dans des cliniques privées.
La classe des patrons devrait payer pour la crise du corona !
Dans la situation extrême actuelle, il devient de plus en plus clair ce qui est déjà le cas en temps « normal » : le marché capitaliste ne peut pas satisfaire les besoins fondamentaux de sécurité et de santé. Comme pour la catastrophe climatique, nous constatons que le capitalisme s’attaque littéralement à la vie humaine et à la planète. Le comportement individuel des individus (lavage des mains et distanciation sociale) est juste, mais il est loin d’être suffisant pour endiguer la crise ! Nous avons un besoin urgent de mesures socialistes efficaces pour surmonter la crise du corona.
Tout travail non essentiel doit être immédiatement interrompu pour arrêter la propagation de la maladie. Tous les travailleurs et travailleuses doivent recevoir leur plein salaire par les entreprises – y compris les employés temporaires et sur appel. Les indemnités de chômage partiel promises par le Conseil fédéral vendredi proviennent en grande partie des cotisations salariales, c’est-à-dire qu’elles sont payées par les salariés eux-mêmes. Les patrons sont responsables de l’état misérable du système de santé, ils devraient payer pour la crise du corona !
Des mesures de sécurité extensives doivent être garanties sur le lieu de travail, aux frais des patrons. Les entreprises doivent organiser et payer la garde des enfants de leurs employés. S’ils prétendent ne pas avoir d’argent pour cela, qu’ils le prouvent et ouvrent leurs livres de comptes aux employés.
Un plan à grande échelle est nécessaire pour embaucher du nouveau personnel dans la santé et fournir des lits de soins intensifs dans tout le pays. À cette fin, le plus grand nombre possible des deux millions de mètres carrés ( !) de bureaux vacants (c’est-à-dire les objets de spéculation des capitalistes) doivent être nationalisés et aménagés en services d’urgence. Il en va de même pour les hôtels et les complexes de villas. Les intérêts et les possessions de quelques gros riches ne sont en aucun cas plus importants que la vie de milliers de personnes !
Les entreprises qui n’ont survécu pendant plus d’une décennie que grâce à des crédits subventionnés et qui doivent à présent être sauvées par l’État ont perdu toute légitimité. Ils doivent être nationalisés afin de sauver les emplois des travailleurs. Cela signifie également que les banques doivent être nationalisées. Leur spéculation à courte vue sur les marchés financiers met en danger des millions d’emplois et les hypothèques de milliers de familles. Leurs énormes montagnes d’argent doivent être utilisées pour réaliser des investissements urgents dans le secteur de la santé. En outre, l’industrie pharmaceutique doit être nationalisée immédiatement : Il est absolument criminel de risquer des vies humaines simplement parce que les entreprises font des profits avec des tests, des médicaments ou des vaccins.
Ce programme semble radical. Mais il correspond tout à fait à la situation exceptionnelle actuelle. En Suisse, la situation économique et politique est relativement stable depuis des décennies. Cela est en train de changer. La crise du corona a montré que cette stabilité est de plus en plus fragile.
L’incapacité du gouvernement et des entreprises à agir efficacement contre le virus portera durablement atteinte à la confiance des salariés et des jeunes dans le système. Il devient de plus en plus évident que le système capitaliste est totalement incapable de garantir aux gens une vie saine et sûre. Il devrait donc être renversé ! C’est aujourd’hui plus évident et plus urgent que jamais !