Depuis quelques semaines, un mouvement de masse pro-démocratie ébranle l’Eswatini, anciennement connu sous le nom de Swaziland. Le roi Mswati III dirige ce pays du sud de l’Afrique d’une main de fer depuis 1986. Il est le dernier monarque absolu de l’Afrique, et les masses l’ont forcé à fuir le pays le 28 juin dernier.
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Les manifestations ont paralysé le pays. Les banques ont été fermées, tout comme les magasins et les stations-service. L’accès à Internet a également été coupé et des soldats ont été déployés contre les manifestants, pour la plupart jeunes. La frontière avec l’Afrique du Sud, artère majeure de l’économie du pays, a été fermée.
Le mouvement porte des revendications démocratiques, notamment le droit aux partis politiques de participer aux élections et le droit du peuple d’élire le premier ministre et le gouvernement. La situation s’est aggravée le 25 juin, lorsque des marches ont eu lieu dans plus de 10 endroits, principalement dans les zones rurales, malgré l’interdiction des manifestations par le gouvernement. La police a violemment attaqué des manifestants venus remettre des pétitions au gouvernement.
La nuit du 28 juin, en représailles de ces attaques, la jeunesse a pris la rue à Matsapha. La police a répliqué en lançant des bombes lacrymogènes et en tirant à balles réelles dans la foule. Les manifestants ont par la suite incendié des entreprises et des bâtiments appartenant au monarque et à ses associés.
Il y a une colère de classe claire envers le monarque de ce pays brisé par la pauvreté, les inégalités crasses et la maladie. Ces événements indiquent que les masses ont commencé à cesser d’avoir peur de l’État répressif. Du point de vue du régime, ce développement est très dangereux.
L’Eswatini est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Alors que l’agriculture ne représente que 13% du PIB, 75% de la population pratique l’agriculture de subsistance. Cette agriculture hautement inefficace avec des moyens rudimentaires, associée à un faible degré d’industrialisation, signifie que le pays est largement dépendant des exportations de l’Afrique du Sud. Cela fait l’affaire de la monarchie eswatinienne et de la bourgeoisie sud-africaine, qui profitent de leur richesse crasse produite par le sang et la sueur des masses du royaume.
L’inégalité des revenus en Eswatini est l’une des plus élevées au monde et officiellement 40% de la population est sans emploi. Soixante pour cent de la population vit avec moins de 1,9 dollar US par jour. De plus, un quart de la population est séropositif. Le pays souffre de l’une des espérances de vie les plus faibles au monde, de seulement 58 ans, ce qui signifie que la moitié des moins de 17 ans sont orphelins. La jeunesse de la population (à peine 20 ans en moyenne) se reflète dans les récentes manifestations.
Dans le but d’épuiser l’énergie des masses, un couvre-feu a été imposé de 18h à 5h. L’accès à Internet a été sévèrement limité, afin de limiter la capacité de communiquer des manifestants. Le roi s’est caché, refusant toute apparition publique, même si des rumeurs circulent selon lesquelles il se serait enfui en Afrique du Sud ou au Mozambique. Cela a donné aux masses une plus grande confiance. Ainsi, le mouvement est passé de vagues appels à une démocratie au sein d’une monarchie constitutionnelle à revendiquer une république à part entière.
Nous soutenons pleinement l’appel à une république avec des droits démocratiques complets. Cependant, l’état de décrépitude du système capitaliste d’Eswatini, lié pieds et poings à la bourgeoisie d’Afrique du Sud, est incapable d’accomplir cette revendication ou de résoudre les profondes crises sociale et économique du pays. Les aspirations du mouvement ne peuvent être réalisées que par l’action indépendante des travailleurs et de la paysannerie, avec des comités de travailleurs à leur tête. Les masses ne peuvent avoir aucune confiance dans les « forces démocratiques » bourgeoises du mouvement et du parlement, qui sont liées aux intérêts de la bourgeoisie sud-africaine et qui trahiront inévitablement les masses.
Une véritable démocratie et une existence décente pour les masses ne pourront être réalisées sur une base capitaliste. Même si le dernier monarque absolu d’Afrique est jeté dans la poubelle de l’histoire, avec le reste de sa famille et de sa camarilla, l’Eswatini restera un vassal de son grand voisin, et les conditions de son peuple ne s’amélioreront pas à moins que la révolution ne s’étende à l’Afrique du Sud elle-même. Poussée à son terme, la révolution en Eswatini pourrait être l’étincelle d’une vague révolutionnaire plus large dans toute l’Afrique australe où des millions de personnes souffrent des mêmes conditions.